Hommage à Françoise Brahy

Hommage à Françoise Brahy

 

C’est avec beaucoup d’émotion que je prends la parole au nom des anciens élèves, des professeurs et du personnel de l’Institut Notre-Dame de Jupille.   J’y ai été directrice de 1994 à 2004 et j’ai eu la chance de travailler avec Françoise Brahy jusqu’en 1997.  Je voudrais rendre hommage à cette grande dame qui a consacré presque 40 ans de sa vie à l’Institut Notre-Dame de Jupille, qui a été témoin de nombreuses évolutions sociales et pédagogiques, et qui les a accompagnées avec rigueur, dévouement et fidélité.

Après avoir été élève à l’Athénée Royal de Rösrath (Allemagne), Françoise Brahy a étudié à l’Institut de 1952 à 1954.  Le 1er septembre 1959, elle y est revenue comme professeur de gymnastique et éducatrice.  Elle avait 21 ans… C’était une tout autre époque.  L’Institut, fondé par la Congrégation Notre-Dame, les Chanoinesses de St Augustin, était un externat et un internat pour filles très réputés : de nombreuses internes venaient de Flandre notamment. La sportive Françoise Brahy assistait alors Mademoiselle Daems dans son cours de maintien et elle donnait des cours de sport le mercredi après-midi aux élèves de l’internat.

En 1978, elle a été nommée éducatrice à temps plein.  Dans les faits, elle exerçait la fonction de préfète de discipline : elle voyait tout, elle contrôlait tout (particulièrement la tenue vestimentaire des élèves !), elle sanctionnait quand il le fallait et, surtout, elle éduquait… Elle accueillait aussi avec beaucoup de gentillesse les nouveaux professeurs à qui elle prodiguait de bons conseils. Elle a été le pilier sur lequel s’appuyaient les différents directeurs pour mettre en œuvre le projet éducatif de l’INDJ.  Eux passaient, Françoise Brahy restait.  Elle incarnait la permanence.  Les très anciennes élèves  ne se souviennent plus de leur directeur… mais bien de Françoise Brahy.

Peu à peu, le visage de l’Institut a changé mais le zèle éducatif de Françoise Brahy est resté le même : l’Institut s’est ouvert aux garçons en 1974 et l’internat a été fermé en 1984 ; peu à peu, les religieuses qui se raréfiaient ont cédé la place aux laïcs : après Sr Marie-Paule Cartuyvels,  la direction a été confiée à des hommes et puis à des femmes… Françoise Brahy s’est adaptée à tous ces changements, en parcourant des kilomètres dans les couloirs et le parc de l’Institut pour que tout s’y passe pour le mieux.

La préfète de discipline était comme la colonne vertébrale de l’école.  La discipline, parfois tant décriée aujourd’hui, permet de vivre ensemble, elle permet aux jeunes de s’épanouir dans un cadre rassurant et porteur, bref, de grandir.  Elle donne à chacune et à chacun des balises pour se construire.  Bien sûr, ce ne peut être une discipline arbitraire et aveugle.  Elle doit reposer sur deux socles : la justice et l’humanité, c’est-à-dire l’attention à chacun.  Françoise Brahy avait intégré cette dynamique : elle était foncièrement juste et en même temps, elle était capable de tout pour aider des élèves en difficulté, dans une totale discrétion.   Elle leur parlait alors doucement pour leur apprendre à vivre en société.  Elle mettait en pratique les principes éducatifs des fondateurs de la Congrégation Notre-Dame,  Pierre Fourier et Alix Le Clerc : « Ne considérez pas les personnes comme elles devraient être mais comme elles sont et peuvent être ».  Il ne s’agit pas de faire rentrer chacun dans un moule, de le formater, mais de l’aider à grandir.  Françoise Brahy savait bien moduler son attitude en fonction de l’âge des élèves, les amenant progressivement à l’autonomie et à la responsabilité.

Françoise Brahy est entrée à l’Institut Notre-Dame de Jupille un peu comme on entre en religion.  C’est difficile à imaginer dans un monde où l’on change d’entreprise plusieurs fois au cours de sa carrière.  Elle a fait preuve d’un dévouement sans faille : elle arrivait très tôt le matin et repartait tard, tous les jours, sans pratiquement jamais être malade.  Elle consacrait aussi une partie de son temps libre au bénévolat.  Elle a notamment été la cheville ouvrière de la fête de l’école avec Sr Monique Heusquin, son amie, pendant plusieurs années.

Sous son aspect un peu sévère, Françoise cachait une grande sensibilité. Elle parlait avec amour de sa famille, de son chien avec qui elle faisait de longues promenades, et elle se réjouissait des moments conviviaux avec les secrétaires ou ses anciens collègues éducateurs, par exemple lors des anniversaires.  Et quand on avait « apprivoisé » Françoise, on découvrait aussi son côté « pince-sans rire ».  Elle riait aux éclats et était capable de jouer de bonnes blagues.

Françoise, contre vents et marées, pendant près de 40 ans, vous avez contribué à ce que plusieurs milliers de jeunes grandissent avec des balises solides, le souci des autres, la conscience de leurs droits et de leurs devoirs.  Vous avez été le pilier sur lequel pouvaient s’appuyer les professeurs et les directions pour assurer leur mission.   Nous vous disons, avec toute la chaleur de notre amitié, notre plus vive reconnaissance.  Là où vous êtes maintenant, que la petite lumière du devoir accompli vous illumine.  Nous vous confions, avec espérance, à l’amour de Dieu.  Vous avez contribué à cette magnifique œuvre d’éducation, qui crée des femmes et des hommes debout.  Continuons à agir, là où nous sommes, comme vous auriez agi.  Que votre souvenir nous aide, nous aussi, à être meilleurs.

 

Cécile Jacquerye-Heusers, 7 avril 2015

 

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